In-admissible…

Alors que l’Afghanistan est (re)tombé aux mains des Talibans cet été, la Grèce a adopté le 7 juin 2021 une nouvelle réglementation déclarant la Turquie comme « pays tiers sûr » pour 5 nationalités dont les Afghans.

Les pays tiers sont dits sûrs lorsqu’ils appliquent les mêmes principes que ceux garantis aux demandeurs d’asile par les États européens. Parmi ces principes, on compte le principe de non-refoulement et la possibilité de solliciter le statut de réfugié ou une protection conforme à la convention de Genève.Si un nouvel arrivant provient d’un « pays sûr », sa demande d’asile peut être rejetée au seul motif qu’il a transité ou séjourné dans un tel pays, sans que sa demande de protection ne soit examinée sur le fond.

La décision ministérielle grecque du 7 juin 2021 déclare que la Turquie satisfait à toutes les conditions pour l’examen des demandes de protection internationale des demandeurs originaires de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie. Le ministère grec des Migrations affirme qu’il aurait été démontré que les ressortissants de ces 5 nationalités ne risquent pas d’être menacés par la Turquie en raison de leur race, de leur religion ou leur nationalité.Cette réforme instaure une procédure préalable d’admissibilité pour les Afghans mais aussi les Syriens, les Somaliens, les Pakistanais et les Bangladais, qui ont transité par la Turquie. A l’issue de cette procédure, la Turquie étant désormais considérée comme un pays sûr pour ces 5 nationalités, les demandeurs pourront y être renvoyés d’office, sans avoir jamais pu expliquer les raisons de leur exil.Cette réforme n’est pas neutre : les 5 nationalités concernées représentaient 65% des demandes d’asile déposées en Grèce en 2020. Ces nationalités bénéficient aussi de taux de reconnaissance assez élevés. Ainsi, avant l’adoption de la réforme, 73% des demandeurs d’asile afghans recevaient la protection internationale. Enfin, la très grande majorité de ces personnes a transité par la Turquie.Ainsi, la généralisation de cette procédure d’admissibilité à ces 5 nationalités conduit à interdire l’accès à la procédure d’asile à la majorité des demandeurs.Or, les conditions de vie en Turquie ne sont pas compatibles avec les standards minimaux décrits dans la convention de Genève, qui n’y est d’ailleurs pas appliquée. La liste des exactions commises contre les migrants et demandeurs d’asile en Turquie est longue et bien documentée : esclavagisme moderne, absence d’accès aux soins, à la procédure d’asile, racisme et discriminations, enlèvements et demande de rançons, violences sexuelles, etc. De nombreux rapports dénoncent également les refoulements vers les pays d’origine (y compris en zones de guerre) et pratiqués en masse en Turquie.L’équipe d’ELA se mobilise depuis l’été pour informer et préparer les demandeurs d’asile visés par cette nouvelle procédure. L’activité de l’association a été très impactée par cette réforme qui touche la majorité de nos bénéficiaires : les renvois de dossiers par d’autres organisations juridiques en sous-effectif ont fortement augmenté et les préparations en urgence se succèdent depuis juin. A ce jour, les personnes accompagnées par l’association attendent toujours le résultat de leur entretien d’admissibilité, qui conditionne la suite de la procédure.3 mois après son adoption, beaucoup de questions restent en suspens quant à l’application de cette réforme. L’association ELA dénonce cette réglementation et la généralisation du concept de pays tiers sûrs, un outil juridique grossier et trop rudimentaire, dont l’unique attrait est de consolider la politique d’externalisation de l’asile menée par l’Union Européenne.

Photo © Jérôme Fourcade

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